Le transport routier de marchandises à la croisée des chemins
Le contexte
Le secteur du Transport Routier de Marchandises (TRM), soumis à une concurrence sévère de la part de prestataires issus de pays dits « low cost », se trouve dans une situation préoccupante d’un point de vue économique.
En effet, la rentabilité moyenne de ne dépasse pas 1% de résultat net comptable, les disparitions d’entreprises sont en constantes augmentation, et la visibilité sur l’avenir à complètement disparue (encore plus que pour les autres secteurs de l’économie).
Les conséquences sont graves et immédiates : bocage des investissements, suppression de postes directs ou indirects (fournisseurs), et par la même, dégradation de la qualité et de la sécurité (les entreprises « low cost » ne sont pas au niveau des entreprises tant au niveau des standards français d’engagement de service ou de formation des chauffeurs).
Les pistes d’amélioration de la compétitivité sont à ce jour pratiquement toutes déjà mises en œuvre.
Or, l’augmentation des résultats comptables des entreprises prestataire de transport, ne peut être obtenue par une réévaluation à isopérimètre des prestations : les coûts pour les donneurs d’ordre étant déjà beaucoup trop inflationnistes (fiscalité, poste carburant,…)
Il convient donc de « penser différent », en agissant sur d’autres leviers avec une vision plus globale de la problématique : utilisation des mesures fiscales d’incitation à la transition énergétique, réduction de l’impact environnemental et sociétal …
Les chiffres du TRM français
A ce jour, le TRM en France représente :
- 84% des tonnes-kilomètres transportées en France (source SOeS) dont 74 % sur une distance inférieure à 500 km.
- 37 000 entreprises de TRM public, 291 000 ETP (source SOeS) et 83% avec un effectif de 0 à 9 salariés.
- 5,4 Mtep consommées en 2012 (source SOeS) sur un total de 38,4 Mtep pour le transport routier (tous véhicules confondus : cycles, VP, VUL, PL) soit seulement 15,1% pour 22 M tonnes/kilomètres.
- 23,6% des émissions de CO² en 2011 (source CITEPA).
- 16% des émissions de particules primaires en 2012 (source CITEPA).
- 23% des émissions de Nox en 2011 (source CITEPA).
Le secteur est donc primordial pour la compétitivité de l’économie (de par son efficacité prouvée), important en terme d’emploi, et déjà très efficace quant à la maitrise de son impact écologique (80 à 130 g CO²/T*km transportée, source ADEME).
Les risques probables
Le poids de l’énergie va sans doute s’accroitre encore dans les années à venir : de 18% (porteur de distribution de 19 tonnes) à 27,2% (ensemble grand routier de 40 tonnes), actuellement, la part sur le total des coûts d’un véhicule, si l’on tient compte de l’évolution constante du prix (+ 57% depuis 2000) de l’énergie actuellement utilisée, le gazole va sans aucun doute continuer à grever la rentabilité des entreprises de transport routier.
La prise en compte de plus en plus précise des « externalités » de ce mode, le transport routier (sens large VP + PL), en particuliers les rejets atmosphériques que sont les GES, les particules et les Nox, va conduire à :
- des restrictions de circulations : zones Plan Protection Atmosphère, zones urbaines et péri-urbaines.
- l’apparition de nouvelles taxations ou le renforcement de certaines (TICPP).
- la dégradation de l’image auprès du grand public.
Il est donc urgent d’anticiper tous ces risques et de trouver des solutions innovantes pour les éviter. La solution semble donc se trouver dans :
le renforcement de l’optimisation des flux et utilisation de l’énergie primaire : démarche déjà en cours de par les conditions de concurrence extrême, et des démarches telle que la « Charte CO², des transporteurs s’engagent ».
la réflexion de la profession et de ses fournisseurs quant à l’énergie la plus adaptée aux cas d’usages très différents rencontrés : électricité, mixte (hybride) ou GNV.
la mise en œuvre de dispositifs donnant une visibilité au grand public et aux donneurs d’ordre (chargeurs) quant aux efforts consentis par les transporteurs, ouvrant la piste à une rémunération complémentaire pour ces derniers.
Prendre ses responsabilités au niveau économique, sociétal et environnemental
Le contexte
Dans un contexte économique tendu, les coûts de transport augmentent régulièrement (+ 16 % en 10 ans, source CNR).
Cette tendance pourrait se renforcer avec l’arrivée de nouvelles contraintes réglementaires (cf. « taxe de transit » remplacée par une augmentation de la TICPP), malgré les efforts quotidiens d’optimisation de la chaine d’approvisionnement.
Le recours aux prestations « low cost » s’accompagne souvent d’une baisse de la qualité de service, peut compatible avec une gestion en « flux tendu ».
Le mode routier apporte une réponse aux besoins de logistique fiable et souple nécessaires aux donneurs d’ordre.
Il faut toutefois admettre son impact écologique non négligeable et envisager une utilisation raisonnée de ce mode de transport.
Les enjeux économiques
Comme pour les transporteurs, l’augmentation probable du coût de l’énergie actuelle (moyen-long terme) et sa part de plus en plus importante sur la prestation, impose une réflexion sur :
- la nécessité du flux
- le choix optimum entre coût et délai
- le recours à des énergies alternatives
- le travail doit être mené conjointement avec les prestataires de transport, et la collectivité.
Les enjeux environnementaux
Les donneurs d’ordre évoluent dans un monde ouvert, où la Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE) est un facteur de réussite.
Le fait d’utiliser un mode de déplacement respectueux de l’environnement, vecteur de développement social et économique, sera un avantage concurrentiel certain.
Les chargeurs ont donc tout intérêt à accompagner leurs fournisseurs à évoluer.
Accompagner les initiatives pour répondre aux enjeux globaux
Les enjeux environnementaux
En octobre 2013, l’Organisation Mondiale de la Santé a classé la pollution de l’air extérieur comme cancérigène certain pour l’homme. Les polluants atmosphériques, et en particulier les particules, représentent un enjeu sanitaire majeur.
En France, il est estimé que l’exposition aux particules fines (PM2,5) réduit l’espérance de vie de 8,2 mois et est à l’origine de 42 000 morts prématurées chaque année .
Les dernières données scientifiques renforcent encore le lien entre la pollution de l’air extérieur et des pathologies respiratoires et cardiovasculaires et mettent en évidence des effets sur la reproduction, le développement fœtal ou neurologique.
La pollution de l’air a également un impact économique : les coûts de santé de la pollution atmosphérique pris dans leur ensemble représentent chaque année entre 20 et 30 milliards d’euros en France, dont 0,8 à 1,7 milliard d’euros supportés directement par le système de soin.
En juin 2012, l’OMS a classé les effluents d’échappement des moteurs « Diesel » comme cancérogènes certains pour l’homme, les émissions des moteurs « Essence » étant classées cancérogènes probables.
Le trafic routier est à l’origine de l’émission de nombreux polluants de l’air. Il constitue l’un des principaux émetteurs de particules et de NOx, en particulier dans les zones urbaines.
La motorisation au Gaz Naturel Véhicule, dit GNV, permet une réduction très importante des émissions de polluants par rapport au diesel, en particulier pour les NOx (oxydes d’azote) et les particules. Le GNV appliqué au transport routier est donc une solution très pertinente pour lutter contre la dégradation accélérée de la qualité de l’air, et les problèmes sanitaire et écologique.
De plus avec l’utilisation du biométhane, son bilan carbone serait très faible, d’où une réduction importante des Gaz à Effet de Serre (GES).
Les enjeux économiques
La mise en œuvre concertée et réfléchie de la nouvelle filière Gaz Naturel Véhicule (GNV) dans le secteur du Transport Routier de Marchandises (TRM), peut engendrer :
- une succession d’investissements importants, suite à la décision des entreprises du transport routier de marchandises et de personnes (TRM et TRV) d’enclencher la Transition Energétique dans leur secteur
- le maintien ou la création d’emplois, significatifs, par la nouvelle création de valeur que dégagerait cette nouvelle filière respectueuse de l’environnement.
Exemple concret pour la décision d’achat de 15 véhicules lourds permettant d’atteindre le « point d’équilibre » pour la station d’avitaillement :
1. Action initiale
Reprise du cycle de renouvellement des matériels de transport
> Montant : 1 800 000 €
> Emploi : maintien de l’effectif au niveau des TRM
2. Conséquence directe
Construction de la station d’avitaillement GNV
> Montant : 1 200 000 €
> Emploi : BTP, construction et entretien des installations
3. Conséquence possible
Construction potentielle d’un méthaniseur pour la production de biométhane-carburant
> Montant : 9 000 000 €
> Emploi : BTP, construction et entretien des installations, nouveaux revenus pour secteurs en crise (agriculture)
La décision de la puissance publique d’accompagner la montée en puissance de cette transition, par une aide ou compensation de montant raisonnable à destination des acquéreurs de véhicule (utilisateurs) peut générer un montant global d’investissements important, supportés par les entreprises privées, et le maintien ou la création non négligeable d’emplois non délocalisables.
Voir l’avis ADEME « Emissions de particules et de NOx par les véhicules routiers », juin 2014